Enseigner le Pilates et le yoga

Parfois, certains yogi « purs et durs »  me demandent comment je peux enseigner le Pilates, une discipline qui leur paraît  s’apparenter à de la gymnastique, ce qui est une vision très faussée de la réalité. La première réponse qui me vient à l’esprit est que le yoga est ici et partout. C’est d’ailleurs à cela qu’il nous engage. À le vivre  dans les moindres aspects de nos vies, qu’ils soient professionnels ou intimes. De plus, je peux dire que je suis devenue meilleure professeure de Yoga grâce au Pilates qui m’a permis d’approfondir mes connaissances anatomiques.

Joseph Pilates (1943)En effet, j’ai obtenu mon diplôme de l’école Sivananda il y a déjà plus de quinze  ans, mais j’enseignais très peu puisque j’étais avant tout, professeur de piano. Je pratiquais, j’allais aux méditations, j’executais du karma yoga hebdomadaire au centre de Paris. C’est la rencontre avec Nadia P., « mon maître es Pilates »  qui a changé la donne. Le Pilates est très exigeant quant à l’alignement et la précision des exercices exécutés, avec une connaissance anatomique très pointue (que mon cursus de yoga de l’époque ne m’avait pas apporté — je crois que cela a un peu changé maintenant au niveau de l’enseignement actuel.

Lorsque j’ai entendu le mot « psoas » pour la première fois lors d’un cours de Nadia, j’ai cru que mon oreille avait fourché, tellement cette sonorité « exotique » me semblait plus convenir à un animal d’Amérique du sud qu’à un muscle. En découvrant que ce fameux psoas était un muscle très important, un des principaux fléchisseurs de la hanche, qui nous occasionnait parfois bien des douleurs, un continent s’est ouvert à moi : l’exploration de notre corps (206 os, plus de 500 muscles, système nerveux, lymphatique, para-lymphatique, etc). Cette étude a complètement renouvelé mon approche personnelle des postures, et petit à petit, j’ai eu l’envie de le transmettre aux autres.

Certains opposent le savoir et le ressenti. Pour ma part, c’est un faux débat. En tant que pianiste, je sais qu’il faut se servir des deux, même si je reconnais que « l’alliage » n’est pas toujours facile. C’est vrai que derrière le savoir, (je parle pour moi), l’ego n’est jamais très loin et que l’on risque aussi parfois de tomber dans la « technicité ».
Mais, pour en revenir au Pilates, n’oublions pas que Joseph Pilates a largement puisé du côté du yoga dans l’élaboration de sa méthode — on retrouve de nombreuses postures telles que cobra, pinces et variations, chandelle…). Que le souffle et sa synchronisation avec le mouvement font partie des fondamentaux de la méthode. Que l’activation du périnée et la mobilisation des abdominaux, quasi permanente tout au long du cours s’apparente à l’utilisation des bandhas  mula bandha et uddyiana bandha .
D’ailleurs, ma pratique des bandhas dans la tenue des postures, quasi inexistante pendant des années, je la dois aussi au Pilates ! Que l’extrême précision du placement n’est pas propre au Pilates, on le retrouve aussi chez le yoga Iyengar, par exemple.

En fait, ce qui va faire la différence dans un cours de Pilates (comme dans tout cours, d’une manière générale), c’est le professeur ! J’ai eu donc la chance de pratiquer avec Nadia, une professeure ayant elle-même pratiqué le yoga et dont l’approche favorisait la concentration et le lâcher-prise.
D’autres professeurs de Pilates issus d’univers sportifs différents vont parfois plus privilégier le côté musculaire et le travail en force.
Ainsi, dans mes cours de Hatha yoga, j’ai mon « côté Pilates » où je fais attention au placement, aux détails de la posture, en essayant de ne pas le faire au détriment de l’écoute intérieure de chacun. Et en Pilates,  j’ai mon « côté yoga » où j’invite mes élèves à cette écoute intérieure qu’ils n’ont pas toujours.
(je reconnais immédiatement un élève qui a pratiqué le yoga à justement cette faculté de pouvoir fermer les yeux sans crainte, de s’abandonner à soi-même, de se laisser porter par la voix de l’enseignant).

Mais qu’en est-il de la respiration , me direz-vous ?

Oui, je reconnais que je me suis sentie mal à l’aise (et presque coupable !) à mes débuts d’apprentissage, puisque pendant des années, on m’a appris à expirer par le nez et qu’en Pilates, on expire par la bouche. Après la lecture de Respiration, le  livre de Blandine Calais Germain qui détaille les avantages des deux méthodes, je me sens beaucoup plus sereine par rapport à cette question. Après tout, quand on nage, on expire bien par la bouche, même les Yogi !
En fait, il y a certaines situations où je préfère pratiquer l’expiration par la bouche, et d’autres, par le nez. Avec les années, je me suis aperçue que je pratiquais de plus en plus une expiration qui s’apparente à une sorte de Bhramari muet, avec un resserrement au niveau de la gorge (Jalandhara Bandha).
Au final, je me sens très à l’aise maintenant dans les deux disciplines. Je le vis comme un enrichissement perpétuel. Et puis, j’ai trop connu en musique, ces musiciens sectaires qui ne juraient que par le classique, les autres par le jazz ou le rock. Quand je lisais la biographie des artistes de tous horizons que j’aimais, je me suis aperçue, qu’à de rares exceptions près, ils pratiquaient tous cette ouverture d’esprit, ou plutôt devrais-je dire « d’oreille » aux autres cultures.

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